Publié le 03 avr 2023Lecture 4 min
Covid long : qu’avons-nous encore à apprendre ?
Vincent BARGOIN, Paris
La persistance des symptômes associés à l'infection SARS-CoV-2 définit le Covid long. Face à l’émergence de ce problème de santé publique, de nombreuses interrogations demeurent quant à l’ampleur de sa réalité épidémiologique, les mécanismes physiopathologiques en cause, les parcours de soins les plus adaptés et les conséquences sociales et économiques d’un tel syndrome. Lors du 16e Congrès Médecine Générale France, le Pr Henri Partouche* (Paris) est revenu sur ces principales questions clés.
Dès la mi-2021, il n'était plus possible de faire l'impasse sur des observations répétées un peu partout dans le monde : après la Covid, il peut exister un Covid long, qui passe étrangement du féminin au masculin, mais qui surtout, rajoute un problème au problème.
En juin 2021, la HAS tentait de le définir comme « persistance d'au moins un symptôme (fièvre, céphalée, fatigue, myalgie, dyspnée, toux, douleurs thoraciques, diarrhée, odynophagie) au-delà de quatre semaines suivant la phase aiguë ».
En octobre, l'OMS élargissait la définition à des symptômes persistant au moins deux mois après la phase aiguë. L'OMS précisait par ailleurs que ces symptômes peuvent être persistants, ou d'apparition nouvelle après un rétablissement initial.
S'agissant des chiffres, les études sont de qualité inégale, mais des cohortes prospectives avec groupe témoin apparié, avancent un ordre de grandeur de 10 % de Covid aigu évoluant en Covid long. Sur quelque 650 millions de personnes infectées dans le monde, on arrive donc à environ 65 millions de cas potentiels.
En France, où 38,6 millions d'infections aiguës ont été recensées, il faudrait donc s'attendre à 3 ou 4 millions de Covids longs. Des évaluations plus conservatives arrivent au chiffre de 700 000, ce qui reste considérable en termes de coûts et de pression sur le système de soins.
Les chiffres sont d'autant plus incertains que la définition même de l'affection reste discutée.
Les études ne s'accordent que sur un point : les symptômes sont polymorphes et fluctuants. En France, les données d'une consultation « Covid long » mise en place dans le Loiret (coordonnée par le Dr Éric Drahi), classent les symptômes dans l'ordre suivant : le plus fréquent est la fatigue, suivie par la dyspnée et la toux, les troubles de la concentration (le « brouillard mental » qu'évoquent les patients), et de la mémoire, les douleurs musculaires tendineuses ou articulaires, les céphalées, les paresthésies et les sensations de brûlure, les troubles du sommeil, l'anosmie-agueusie, l'irritabilité, l'anxiété, voire la dépression, les douleurs thoraciques ou abdominales, les diarrhées et la perte de l'appétit, les acouphènes, vertiges et odynophagie, la surdité, les palpitations et tachycardies.
En moyenne, ces symptômes sont relevés 417 jours après l'épisode aigu, et chez des sujets de 47 ans, qui présentent le plus souvent 3 ou 4 symptômes.
Pour le Pr Partouche, il s'agit d'un « vrai défi en termes de parcours de soins ». De fait, la diversité des orientations est à l'image des symptômes. La consultation chez le pneumologue arrive logiquement en tête, mais elle est suivie par la rééducation à l'effort, puis la consultation psychologique, la rééducation olfactive, la rééducation orthophonique, la consultation chez le neurologue, puis chez le cardiologue, la sophrologie, et beaucoup d'autres.
Sur le plan physiopathologique, de nombreuses études sont en cours. Sont envisagées la persistance de cytokines pro-inflammatoires, ou d'une réplication virale, ou la présence de la protéine Spike, et de ses propriétés antigéniques, ou encore une atteinte endothéliale... Les pistes sont en fait multiples. L'Hôtel-Dieu de Paris se penche ainsi sur les facteurs psychologiques.
On note que dans la cohorte française CONSTANCES, après ajustements, le seul symptôme distinguant les Covids longs chez des sujets avec diagnostic initial confirmé par rapport aux personnes sans diagnostic confirmé, est l'anosmie.
À l'hôpital Lariboisière par ailleurs, une étude est en cours sur les éventuelles lésions cérébrales liées à l'infection aiguë.
Sur le plan thérapeutique enfin, le Covid long suscite de nombreux travaux. Plus d'une vingtaine de molécules sont actuellement testées contre les différents symptômes, et une vingtaine d'essais sont en cours sur des prises en charge comportementales, axés sur les troubles cognitifs, la fatigue et l'exacerbation des symptômes à l'effort.
La palme revient cependant aux stratégies de réadaptation, isolées ou intégrées dans un parcours de soins : on compte là plus de 60 essais. Faut-il accorder tant de moyens à une galaxie de symptômes dont pour finir l'essentiel disparaît — hormis l'anosmie — après les ajustements de rigueur ?
Dans les hypothèses basses, il s'agit de centaines de milliers de personnes. Aussi, « même si la définition de la maladie n'est pas encore complètement satisfaisante, il s'agit d'un problème de santé publique émergent, dont les répercussions en termes de consommation de soins et les conséquences socio-professionnelles ne peuvent être ignorées », a conclu le Pr Partouche. Le Covid long « demande des solutions individuelles, dans le cadre de prises en charge globales, centrées patients, et mises en œuvre par des réseaux de soins organisés ».
D'après la présentation du Pr Henri Partouche*, au 16e Congrès Médecine Générale France, session « Actualités », 25 mars 2023
*Le Pr Partouche est PU-MG à l'Université Paris Cité et membre du CS du CNGE et de la section Maladies infectieuses, Maladies émergentes (MiMe) du HCSP. Il anime par ailleurs l'action « Covid Long » de l'ANRS et participe à deux études en cours sur le Covid long (Covilev et Empaty), au financement institutionnel.
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