Publié le 17 jan 2024Lecture 4 min
Quand la douleur chronique s’invite à l’école
Denise CARO, Boulogne-Billancourt, d’après la communication de L. Oderda, psychologue et de S. Dugue, pédiatre (hôpital Trousseau, Paris)
Bien que de prévalence variable selon les études, les douleurs chroniques chez les enfants scolarisés sont fréquentes avec des répercussions parfois très lourdes sur l’apprentissage et leur qualité de vie. Reste à déterminer, entre douleur et difficultés scolaires, quelle est la cause et quelle est la conséquence. Ces deux situations relèvent d’une prise en charge différente.
Une douleur est dite chronique, si elle dure depuis au moins 3 mois ou si elle persiste au-delà de ce qui est habituel pour sa cause initiale présumée et si elle répond insuffisamment au traitement (antalgique ou étiologique). Ce peut être aussi une douleur récurrente qui survient plus de 15 jours par mois depuis au moins 3 mois.
La douleur chronique de l’enfant est associée à une détérioration significative et progressive des capacités fonctionnelles et relationnelles (absentéisme scolaire, arrêt des activités extra-scolaires, isolement social, difficultés familiales, troubles du sommeil, troubles de l’alimentation, anxiété-dépression).
Les douleurs chroniques concernent davantage Les filles que les garçons, leur fréquence augmente avec l’âge (pic à l’adolescence) et avec un bas niveau socio-culturel.
Selon une étude espagnole, 46 % des enfants scolarisés entre 8 et 18 ans disent avoir des douleurs chroniques(1). Deux à cinq pour cent des enfants et adolescents ont des douleurs chroniques sévères et invalidantes. Dans la majorité des cas, il n’y a pas de maladies chroniques sous-jacentes.
Douleur invalidante ou refus scolaire anxieux ?
Faire la part de la responsabilité de la douleur chronique sur les difficultés scolaires n’est pas facile. La douleur chronique isole l’enfant, lui donne le sentiment d’être incompris des professeurs et de ses camarades. Ses absences répétées, le caractère non visible de son mal, les adaptations nécessaires dont il bénéficie considérées comme des bénéfices secondaires, le stigmatisent. L’enfant a des pensées négatives (« l’école c’est trop dur pour moi, je ne peux pas gérer »), suscitant tristesse, colère, repli, démotivation, etc. Il prend du retard dans ses apprentissages, avec parfois un décrochage scolaire. L’absentéisme est un bon reflet de la gravité de la situation.
Si la douleur chronique peut être responsable de cet absentéisme et de ce décrochage, elle peut aussi être l’expression d’un refus scolaire anxieux (autrefois dénommé phobie scolaire). Celui-ci peut résulter de plusieurs situations : un trouble des interactions sociales (TSA), un trouble des apprentissages (TDAH, Dys), une précocité intellectuelle, une pression scolaire importante (par l’établissement, la famille ou par le jeune lui-même) ou un harcèlement scolaire. Ce peut être une complication du trouble d’anxiété et de séparation ou un trouble phobique pouvant aller jusqu’à une phobie de penser.
Le refus scolaire anxieux se traduit par une difficulté majeure, voire une impossibilité à aller à l’école (même si l’enfant aimerait sincèrement y parvenir). Les somatisations sont fréquentes à type de troubles du système nerveux autonome (céphalées, sueurs, vertiges), de troubles intestinaux et de douleurs musculaires.
Le refus scolaire anxieux doit être pris en charge sans tarder, car il peut aboutir à une déscolarisation très préjudiciable à l’éducation et au développement social du jeune.
Des prises en charge différentes
En pratique, ces deux situations se ressemblent beaucoup. Les parents sont démunis, en demande de solutions concrètes. Ils ont du mal à concevoir que la douleur découle de la difficulté scolaire. Les affects sont abrasés, la douleur fait écran. Or l’enfant va mal moralement et a besoin de soins psychiques. Une approche biopsychosociale est nécessaire. Les patients doivent bénéficier d’un suivi pluridisciplinaire, de manière simultanée (infirmière, pédiatre, psychologue, assistante sociale).
Une thérapie familiale a son intérêt dans les deux situations. Elle est utile dans la douleur chronique de l’enfant en général. Elle aide à la prise en considération de son impact sur la vie quotidienne et le fonctionnement de la famille. Elle a fait ses preuves dans les situations de refus scolaires anxieux. L’association d’une thérapie familiale à une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) semble plus efficace qu’une TCC individuelle isolée. Toutefois ces deux situations donnent lieu à des orientations différentes dans la prise en charge.
Quand la douleur entraîne les difficultés scolaires, l’absentéisme et la déscolarisation, le suivi est central dans la prise en charge. Le médecin peut faire des aménagements scolaires mais la douleur ne peut justifier une déscolarisation totale, d’autant qu’elle ne régresse pas quand l’enfant ne va pas à l’école. Les échanges entre équipe douleur et équipe scolaire sont nécessaires (projet d’accueil individualisé [PAI], aménagements temporaires, IP, etc.). À l’inverse, quand les difficultés scolaires sont responsables des douleurs, la consultation d’un pédopsychiatre est indispensable pour le diagnostic, les aménagements scolaires et pour poser l’indication d’une hospitalisation en pédopsychiatrie. L’arrêt des cours s’accompagne d’un arrêt des douleurs. Le suivi douleur s’efface alors derrière la prise en charge pédopsychiatrique et psychologique. Des pauses dans la scolarité via des hospitalisations en pédopsychiatrie peuvent être nécessaires.
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