Publié le 27 mar 2024Lecture 4 min
Nouvelles recommandations de la SFR sur la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde
Agnès LARA, Perpignan
Les nouvelles recommandations de la Société française de rhumatologie prennent notamment en compte les alertes de sécurité émises par les autorités de santé concernant les inhibiteurs de Janus kinase, à la suite du sur-risque cardiovasculaire et de cancer relevé par l’étude ORAL Surveillance en 2022. Explications.
Les dernières recommandations de la Société Française de Rhumatologie (SFR) n’étaient pas si anciennes (2018), mais la publication des résultats de l’étude ORAL Surveillance a conduit l’European Medicines Agency à restreindre l’utilisation des inhibiteurs de Janus kinase (JAKi) chez les sujets atteints de maladies chroniques inflammatoires. Pour rappel, l’étude ORAL Surveillance avait mis en évidence un sur-risque d’événement cardiovasculaire majeur et de cancer chez des sujets de plus de 50 ans avec facteurs de risque cardiovasculaire et traités par tofacitinib pour une polyarthrite rhumatoïde (PR). Les nouvelles recommandations de la SFR prennent donc en compte les préconisations du PRAC (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee) de façon à limiter la survenue de ces événements indésirables graves. Elles s’appuient sur les mêmes principes généraux que les recommandations précédentes, avec une spécificité introduite dans cette nouvelle édition : la prise en charge médicamenteuse et non médicamenteuse des patients ayant seulement une suspicion clinique de PR.
Les patients à risque d’évoluer vers une polyarthrite rhumatoïde
Lorsque qu’il n’existe pas d’arthrite clinique caractérisée, mais en présence d’arthralgies suspectes, les patients doivent être considérés comme à risque d’évoluer vers une PR. Ce risque peut être évalué à partir de critères cliniques, immunologiques (anticorps ACPA, FR) et d’imagerie (présence de synovites à l’échographie, en particulier de ténosynovites, et d’érosion aux MCP/MTP). Les critères cliniques évocateurs de PR sont des arthralgies évoluant depuis moins d’un an, un dérouillage matinal d’au moins une heure, des douleurs prédominantes tôt le matin, localisées aux MCP, l’existence d’antécédents familiaux de PR au premier degré, des douleurs à la fermeture du point et/ou à la pression transverse des MCP.
Les patients sont considérés à risque lorsqu’au moins 4 de ces critères sont réunis. La présence de facteurs environnementaux peut également être indicative : tabagisme, exposition professionnelle, parodontite, obésité, etc.
L’introduction d’un traitement de fond n’est pas recommandée chez ces patients à risque pour prévenir la survenue d’une PR (l’effet n’en serait que suspensif). Leur prise en charge repose essentiellement sur des traitements symptomatiques, les règles hygiéno-diététiques (alimentation, activité physique) et la surveillance clinique.
La stratégie thérapeutique en 2023
L’objectif du traitement vise toujours à obtenir la rémission ou une faible activité de la maladie. Dans le nouvel algorithme, le méthotrexate (MTX) reste bien sûr le traitement de première ligne, mais avec une posologie initiale d’au moins 15 mg/semaine (vs au moins 10 mg/semaine dans la précédente édition). Il peut éventuellement être remplacé par un autre traitement fond synthétique conventionnel en cas de contre-indication. Dans l’attente de l’efficacité de ce premier traitement, une corticothérapie orale ou injectable peut être proposée, « à la dose la plus faible possible et sur une durée la plus courte possible ». Dans l’édition 2023 des recommandations, la durée de la corticothérapie est clairement délimitée dans le temps et ne doit pas excéder 6 mois.
C’est en deuxième ligne que la stratégie thérapeutique se modifie plus nettement.
En l’absence d’amélioration significative à 3 mois ou d’atteinte de l’objectif à 6 mois, et en l’absence de facteurs de mauvais pronostic, une rotation ou une association de traitements de fond synthétiques conventionnels peuvent être proposées, avec ajout de corticoïdes si nécessaire sur une période maximale de 6 mois.
Et surtout, en présence de facteurs de mauvais pronostic, une thérapeutique ciblée biologique (anti-TNF, anti-IL6, abatacept, ou rituximab) doit être ajoutée au traitement de fond synthétique conventionnel. Mais au vu des alertes de sécurité, les JAKi ne doivent être utilisés qu’après évaluation du risque cardiovasculaire conformément aux recommandations du PRAC.
S’il existe des antécédents d’événement cardiovasculaire majeur ou thromboembolique veineux, ou chez les sujets de plus de 65 ans sans antécédents, les autres traitements de seconde ligne doivent être privilégiés aux JAKi, sauf en cas d’absence d’alternative thérapeutique. Chez les sujets de moins de 65 ans, le risque cardiovasculaire et thromboembolique doit être évalué. En cas de très haut risque cardiovasculaire ou en présence d’au moins un facteur de risque thrombo-embolique, un autre traitement doit être choisi. Les modalités d’évaluation de ces risques sont définies dans les recommandations.
En ce qui concerne le surrisque de cancer associé à l’usage des JAKi, la société savante juge les éléments disponibles encore insuffisants pour pouvoir statuer.
En troisième ligne de traitement, les mêmes traitements ciblés, biologiques ou synthétiques, peuvent être utilisés, toujours en suivant les recommandations du PRAC et de la SFR.
Quand envisager la décroissance des traitements ?
En cas de rémission persistante sans corticoïdes, une décroissance progressive des traitements de fond doit être envisagée. À ce sujet, le Pr Fautrel a insisté sur le fait que cette décroissance pouvait s’envisager aussi bien pour les traitements conventionnels synthétiques, notamment en cas de mauvaise tolérance, que pour les traitements ciblés, à condition de n’en supprimer qu’un à la fois. Alors que dans les précédentes recommandations, une baisse du MTX n’était envisageable qu’en cas de rémission persistante sans corticoïdes ni traitement ciblé.
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