Publié le 19 avr 2024Lecture 5 min
Covid et troubles menstruels, réalité ou fantasme
Denise CARO, d’après la communication du Dr Geoffroy Robin (Lille)
Le SARS-CoV-2 est un virus pléiotrope, responsable d’atteintes multiples et variées. La Covid et les vaccins innovants développés en un temps record pour lutter contre cette infection nouvellement apparue ont nourri questionnements et élucubrations. Dès le début de l’épidémie, des interrogations sur le risque de troubles menstruels liés à l’infection et au vaccin ont émergé et ont été largement relayées dans les médias.
Plusieurs équipes de chercheurs se sont intéressées à l’impact du SARS-CoV-2 sur l’apparition de troubles menstruels. Ainsi, d’après une étude rétrospective, 1 femme sur 5 en âge de pro créer avec un diagnostic de Covid (sévère ou non) dit avoir eu des règles moins abondantes et/ou des cycles plus longs (> 37 jours) à la suite d’une infection SARS-CoV-2. Les femmes avec les désordres menstruels les plus importants étaient celles qui avaient eu une forme sévère de la maladie. Toutefois, aucune différence n’a été retrouvée concernant les taux de FSH et de LH entre les groupes de femmes(1).
Pour sa part, une publication de 2022 a estimé à 35,7 % l’incidence des troubles menstruels après une infection SARS-CoV-2 et à 15,1 % celle après la vaccination Covid(2). Enfin, une métaanalyse incluant des études hétérogènes montre un risque de troubles menstruels multiplié par deux après une vaccination Covid(3).
D’une façon générale, les répercussions du vaccin sur les cycles menstruels sont mineures, et transitoires. Bien qu’on dispose de peu de données, on n’a pas observé de différences selon les types de vaccins(4). Par ailleurs, l’implication du vaccin dans l’altération de la réserve ovarienne a été évoquée. Une étude longitudinale portant sur 258 femmes a analysé l’évolution du taux d’AMH après la vaccination. Les auteurs ont observé une baisse transitoire des taux sériques de ce marqueur de la réserve ovarienne ainsi que des irrégularités dans les cycles menstruels. Ces troubles étaient plus fréquents chez les femmes les plus âgées. La baisse était transitoire (elle avait disparu 4 mois après la vaccination) et les valeurs d’AMH restaient dans les limites de la normale(5). « Il faut être prudent dans l’interprétation de cette petite baisse transitoire d’AMH après la vaccination », a indiqué le Dr Geoffroy Robin (Lille).
Des hypothèses physiopathologiques séduisantes
Outre l’évaluation de la fréquence et de l’intensité des troubles menstruels liés au SARS-CoV-2, plusieurs travaux se sont intéressés aux hypothèses physiopathologiques pouvant les expliquer. «Les symptômes observés, tels qu’une aménorrhée, une spanioménorrhée, une oligoménorrhée ou des métrorragies, relèvent probablement d’un puzzle complexe de mécanismes impliquant les voies endocrines et immunes », a estimé le Dr Robin.
Les études ont surtout porté sur le vaccin dont on peut supposer qu’il mime l’infection et met en cause les mêmes mécanismes que le SARSCoV- 2. La vaccination met en jeu l’immunité humorale et cellulaire. Elle induit la sécrétion de cytokines (IL-6, IL-1, TNF alpha INF-y) qui stimulent l’axe corticotrope avec production de CRH, ACTH et cortisol (hormone du stress). Cette perturbation de l’axe corticotrope induit à son tour des modifications de l’axe gonadotrope avec des effets directs sur la folliculogénèse (qui explique la baisse de l’AMH) et des modifications de la sécrétion d’estradiol et de progestérone. L’altération de l’équilibre œstroprogestatif peut être responsable de saignements itératifs ou de dysovulations. Enfin, s’ajoute probablement à cela une perturbation de l’axe thyréotrope et de la fonction thyroïdienne qui elle aussi peut perturber le cycle menstruel(6). «Toutes ces données expérimentales doivent être confirmées et validées, mais elles pourraient bien expliquer les désordres menstruels observés dans les différentes études, a estimé le Dr Robin. Il faut ajouter à cela, le rôle probable du stress sur la fonction ovarienne et la fonction endométriale, pour lequel on a de plus en plus de données cliniques et expérimentales. »
En effet, le stress peut modifier la pulsatilité de la GnRH dans le cerveau, qui agit sur la fonction ovarienne ainsi que la sécrétion d’estradiol et de progestérone. Il stimule également l’axe corticotrope et la production de cortisol(7). Au début de la pandémie marquée par une période de confinement, près de 1 femme sur 3 en âge de procréer signalait des troubles menstruels, corrélés aux scores de stress, la dépression et l’anxiété(8).
Des répercussions mineures en pratique
En dépit des différentes hypothèses physiopathologiques pouvant expliquer l’augmentation des troubles menstruels associée à la Covid et au vaccin, ceux-ci restent mineurs sur le plan clinique. Le suivi des cycles menstruels de plus de 5 300 femmes pendant 12 mois n’a pas retrouvé de troubles significatifs liés à l’infection ou au vaccin. Les perturbations qui ont été signalées étaient transitoires et avaient disparu après un cycle(9). De même, le nombre de jours de saignement n’était pas différent chez les femmes vaccinées contre la Covid et chez celles non vaccinées(10).
Enfin, aucun lien de causalité n’a pu être formellement démontré concernant les deux cas publiés d’insuffisance ovarienne prématurée à la suite d’une infection Covid-19(11,12). « Cependant, il n’est pas impossible que le vaccin induise une modification immunitaire favorisant le développement d’une insuffisance ovarienne prématurée auto-immune chez des femmes prédisposées . Il est nécessaire de faire davantage d’études plus puissantes et prenant en compte les différents facteurs confondants avant de conclure à la responsabilité ou non de l’infection SARS-CoV-2 et celle du vaccin dans l’apparition de troubles menstruels ou de l’ovulation. On peut d’ores et déjà affirmer que ces troubles sont sans gravité et transitoires dans l’immense majorité des cas. Il faut rassurer les femmes. Cet effet secondaire ne doit en rien faire douter du bénéfice de la vaccination contre le SARS-CoV-2… n’en déplaise aux antivax », a conclu le Dr Robin.
D’après la communication du Dr Geoffroy Robin (Lille) au congrès de la FIGO 2023.
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