Publié le 19 oct 2024Lecture 7 min
Quoi de neuf en matière de pilules progestatives ?
Brigitte LETOMBE, Paris
Les pilules progestatives (POP) ont considérablement évolué depuis leur introduction et jouent maintenant un rôle important dans la contraception. Voici un aperçu des nouvelles données retrouvées dans la littérature.
Il existe une grande différence entre les premières pilules estroprogestatives prescrites dans les années 1970 et les formes actuelles de contraception hormonale. Cette évolution se caractérise par la réduction des doses hormonales, l’introduction de nouveaux progestatifs, l’élaboration de divers schémas d’administration d’estroprogestatifs et le développement de voies d’administration alternatives. Cette évolution a été motivée par la recherche de contraceptifs oraux causant moins d’effets secondaires. Elle a également été facilitée par les progrès concernant la connaissance des mécanismes endocrinologiques antigonadotropes et la surveillance des effets vasculaires et métaboliques provoqués par les contraceptifs oraux. Ainsi la composition des contraceptifs oraux a été progressivement affinée pour toujours garder l’efficacité en réduisant au maximum les effets délétères. Certains persistent toutefois, laissant encore la place à des améliorations(1).
Les contraceptifs progestatifs sans estrogène, par rapport aux contraceptifs contenant une association de progestatif et d’ethinyl estradiol, offrent pour principal avantage d’éviter tout risque accru de thromboembolie veineuse (TEV), à l’exception de l’acétate de médroxiprogesterone(2‐4). Cela en fait une option appropriée pour les femmes ayant des contre‐indications aux estrogènes (présence de facteurs de risque cardiovasculaires tels que l’hypertension, l’hyperlipidémie, l’obésité, le diabète, le tabagisme, la migraine etc.).
Ces facteurs de risque, loin d’être rares, contre‐indiqueraient la contraception combinée chez 13 à 29 % des femmes en âge de procréer(5).
Différents progestatifs, différentes actions biologiques, différentes implications cliniques
Au‐delà de la progestérone naturelle, il existe différentes classes de progestatifs, telles que la rétroprogestérone (la dydrogestérone), les dérivés de la progestérone (la médrogéstone), les dérivés de la 17‐hydroxyprogestérone (l’acétate de chlormadinone, l’acétate de cyprotérone, l’acétate de médroxyprogestérone, l’acétate de mégestrol), les dérivés de la 19‐norprogestérone (l’acétate de nomégestrol, la promégestone, la trimégestone), les dérivés de la 19‐nortestostérone (la noréthistérone [NET], le lynestrénol, le lévonorgestrel, désogestrel, gestodène, norgestimate, diénogest) et dérivés de la spironolactone (la drospirénone) (tableau). À noter que certains des progestatifs synthétiques sont des promédicaments qui doivent être métabolisés pour devenir des composés actifs.
Outre l’effet progestatif, commun à tous les progestatifs, il existe un large éventail d’effets biologiques, distincts selon les différents progestatifs, qui doivent être pris en compte lors de l’instauration d’une contraception progestative seule. En effet, les activités biologiques peuvent varier considérablement d’un progestatif à l’autre. Toutefois, on peut déplorer qu’il n’y ait eu que peu de comparaisons systématiques à grande échelle des différents progestatifs chez les femmes(6).
Que disent les études récentes sur les progestatifs seuls utilisés en contraception ?
Les progestatifs (progestatifs synthétiques) sont des ligands des récepteurs de la progestérone (PR). Bien que quatre générations de progestatifs aient déjà été développées, les études font rarement la distinction entre les activités des progestatifs via les deux types de récepteurs à la progestérone identifiés : isoformes PR, PR‐A et PR‐B. Les effets des progestatifs peuvent varier dans différents tissus cibles en fonction du progestatif spécifique et du profil d’expression des isoformes de la PR. Il a été montré que les effets transcriptionnels spécifiques des progestatifs et des isoformes de la PR soulignent l’intérêt d’étudier les activités des progestatifs individuels plutôt que de les regrouper en une seule classe. Étant donné que les niveaux d’isoformes de la PR sont essentiels pour déterminer les réponses aux progestatifs, ces considérations sont particulièrement pertinentes dans les tissus où les isoformes de la PR sont exprimées de manière égale ou avec l’expression dominante de l’une des isoformes, comme dans les tumeurs cancéreuses du sein et l’endométriose.
Une récente étude met en évidence que les agonistes des PR (les différents progestatifs) ne montrent pas la même activité via PR‐A et PR‐B. Ces résultats suggèrent que les réponses biologiques sont dépendantes des isoformes du progestatif et de la PR et peuvent différer dans les tissus cibles exprimant des rapports PR‐A/PR‐B variables. Pour autant, les niveaux d’expression des isoformes de la PR sont un déterminant clé dans les réponses progestatives, et d’autres études sont nécessaires pour comprendre les implications de l’activité de répression des progestatifs via les isoformes de PR(7).
Efficacité contraceptive
Ainsi, les nouveaux développements en matière de contraception orale, tels que les contraceptifs oraux sans estrogènes (POP), ont bien sûr visé à réduire les effets secondaires cardiovasculaires tout en maintenant surtout une efficacité élevée(8).
Une métaanalyse récente a montré que le taux médian de grossesses non désirées pendant l’utilisation typique de POP est inférieur à ce qui est actuellement attendu pour les POP, même en excluant les taux d’échec des formulations plus récentes (désogestrel 0,75 mg et drospirénone 4 mg) dont le pouvoir antigonadotrope ressemble à celui des COC(9).
Pour la drospirénone, en raison de sa longue demi‐vie (30‐ 34 heures), l’inhibition de l’ovulation – et donc l’efficacité contraceptive – est maintenue. L’oubli d’une pilule, à une seule occasion, avec moins de 24 heures de retard, ne réduit pas la protection contraceptive(8). Quant au lévonorgestrel (LNG), l’effet de différentes doses orales sur l’activité ovarienne a été évalué. Toutes les doses étudiées étant sûres et bien tolérées, avec des concentrations moyennes d’estradiol (E2) suffisantes pour prévenir les effets secondaires hypo‐estrogéniques. L’étude a révélé que 0,115 mg par jour était la dose efficace la plus faible de lévonorgestrel pour une inhibition constante de l’ovulation, et que la dose plus élevée de 0,135 mg par jour entraînait une suppression plus prononcée de l’activité ovarienne, ce qui suggère qu’il pourrait s’agir d’une meilleure option. Des études futures sont cependant nécessaires pour étudier l’efficacité contraceptive et le profil de saignement de ce nouveau LNG POP à plus forte dose(10).
Une autre étude récente a évalué l’effet de la drospirénone seule uniquement sur l’humeur des femmes en postpartum, constatant qu’elle aidait à réduire les troubles de l’humeur par rapport à un groupe témoin chez les femmes sensibles aux changements hormonaux(11).
Efficacité et tolérance selon l’IMC
L’analyse des résultats de trois essais évaluant l’efficacité, l’inno cuité et la pharmacocinétique du contraceptif oral progestatif drospirénone 4 mg chez les utilisatrices obèses et non obèses a révélé des profils d’efficacité et d’innocuité contraceptifs similaires entre les deux groupes.
La drospirénone 4 mg a dé montré une efficacité contraceptive similaire chez les utilisatrices non obèses et obèses, malgré une exposition systémique plus faible chez les utilisatrices obèses. Le profil d’innocuité, y compris les changements de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque et du poids corporel, était similaire entre les utilisatrices non obèses et obèses. Les participantes des deux sous‐groupes d’IMC avaient un nombre médian similaire de jours de saignement ou de spotting, malgré l’exposition systémique plus faible chez les utilisatrices obèses(12).
En conclusion
Les pilules progestatives ont parcouru un long chemin depuis leur utilisation restreinte initiale.
Elles sont maintenant une option contraceptive précieuse avec un bon profil de sécurité, en particulier pour les femmes qui ne peuvent pas ou préfèrent ne pas utiliser de méthodes contenant des estrogènes.
Le développement de nouvelles formulations de POP continue de donner la priorité à l’amélioration du profil d’innocuité. En se concentrant uniquement sur les progestatifs, ces formulations visent à éviter les risques associés aux contraceptifs contenant des estrogènes.
La recherche en cours sur les options non stéroïdiennes reflète un effort continu pour minimiser les effets secondaires potentiels. L’arrivée de la drospirénone seule représente l’avancée récente la plus concrète dans les formulations de POP, mais le domaine continue toujours d’évoluer. L’accent mis sur le contrôle des saignements, l’exploration d’alternatives non stéroïdiennes et l’étude de nouveaux mécanismes de régulation de la fertilité suggèrent que les futures formulations de POP pourraient offrir encore plus d’avantages en termes d’efficacité, de sécurité et d’expérience utilisateur.
Enfin, rappelons que, comme pour toute méthode contraceptive, le conseil individuel et la prise en compte des comorbidités, des facteurs de risque, des besoins et des préférences spécifiques d’une femme en matière de santé restent cruciaux pour déterminer le choix contraceptif hormonal le plus approprié.
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