Diabétologie
Publié le 04 fév 2025Lecture 8 min
Le diabète de type 2 dans les territoires d’outre-mer
Sandrine FOSSE-EDORH, Clara PIFFARETTI, Santé publique France, Saint-Maurice, France
Le système de surveillance épidémiologique du diabète développé par Santé publique France a permis d’objectiver le fardeau du diabète dans les départements et régions d’outre-mer (DROM). En 2021, à partir des données du Système national des données de santé (SNDS), les taux de prévalence du diabète traité pharmacologiquement étaient respectivement 1,9 fois (La Réunion), 1,8 fois (Guadeloupe) et 1,5 fois (Guyane et Martinique) plus élevés par rapport à la France entière, à structure d’âge équivalente(1,2). La survenue, souvent plus fréquente dans ces territoires, de certaines complications graves du diabète : amputations de membres inférieurs, accidents vasculaires cérébraux, insuffisance rénale chronique terminale viennent également alourdir ce fardeau(1,2).
Deux études nationales, menées récemment, contribuent à améliorer la surveillance épidémiologique du diabète dans les territoires ultramarins. Le Baromètre de Santé publique France DROM de 2021 s’est ainsi intéressé à la prévalence du diabète dans la population générale, incluant la part du diabète non traité pharmacologiquement. La troisième édition de l’étude Entred (Échantillon national témoin REprésentatif des diabétiques), conduite en 2019, avait pour sa part, parmi ses objectifs principaux, la description des caractéristiques, de l’histoire de la maladie et de l’état de santé des résidents ultramarins vivant avec un diabète.
Une prévalence du diabète deux fois supérieure à celle de l’Hexagone
(figure 1)
Figure 1. Taux de prévalence du diabète connu dans 4 départements et régions d’outre-mer parmi les personnes âgées de 18-85 ans. Baromètre de Santé publique France, 2021.
Les données du Baromètre de Santé publique France ont confirmé que la prévalence du diabète connu était très élevée dans les DROM, de l’ordre de 12 % aux Antilles et en Guyane et de 13,6 % à La Réunion. Dans l’Hexagone, la prévalence du diabète connu, issue de l’étude Esteban 2014-2016(3), rapportait un taux de 5,7 %. Le diabète connu, mais non traité pharmacologiquement était de l’ordre de 7 à 10 % aux Antilles et en Guyane, et de 18 % à La Réunion, ce qui est moindre que dans l’Hexagone (21 %)(3).
À ces pourcentages, vient s’ajouter une part, non négligeable, de 3 à 4 % de personnes qui ne déclaraient pas être atteintes d’un diabète, mais à qui un médecin avait déjà dit qu’ils avaient « un petit diabète » ou « un début de diabète, mais pas trop grave ».
Qui sont les personnes ultramarines atteintes d’un diabète de type 2 ?
Selon les données d’Entred 3, une prédominance féminine était observée en outre-mer parmi les personnes atteintes d’un diabète de type 2 (DT2), contrairement à l’Hexagone : 59 % en Guadeloupe et Martinique, 57 % en Guyane et 54 % à La Réunion contre 45 % dans l’Hexagone. Ces personnes étaient plus jeunes à La Réunion et en Guyane (63 et 61 ans en moyenne) par rapport aux Antilles (68 et 67 ans, en Guadeloupe et Martinique), ou dans l’Hexagone (68 ans). Si la grande majorité des personnes DT2 résidant aux Antilles et à La Réunion étaient nées en France voire dans leur département de résidence au moment de l’enquête, ce n’était pas le cas en Guyane, où seulement 43 % des personnes étaient nées en France, plus d’un quart étant né à Haïti. Le niveau d’études était globalement moins élevé en outre-mer. En particulier, 12 % et 7 % des personnes DT2 résidant respectivement en Guyane et à La Réunion n’avaient jamais été scolarisées ; ce taux était de 1 % en Martinique, 3 % en Guadeloupe et 4 % dans l’Hexagone. Les autres indicateurs de niveau socio-économique, que ce soit la catégorie socioprofessionnelle ou le ressenti financier, étaient également plus défavorables dans les DROM que dans l’Hexagone.
L’âge au diagnostic variait selon les territoires avec un âge moyen plus jeune en Guyane (47 ans) et à La Réunion (48 ans) par rapport aux Antilles (52 ans) ou dans l’Hexagone (54 ans). Le diabète était plus fréquemment découvert à l’occasion d’un dépistage aux Antilles (74 % en Guadeloupe et 79 % en Martinique) et à La Réunion (76 %) que dans l’Hexagone (68 %).
Prise en charge du diabète
L’insulinothérapie était plus fréquente dans les DROM (37 % en Guyane, 35 % en Guadeloupe, 33 % en Martinique, 28 % à La Réunion) que dans l’Hexagone (23 %). Le recours à la metformine ne variait pas de façon significative entre les DROM, bien que moins élevé en Guadeloupe (76 %) et Martinique (74 %) par rapport à la Guyane (81 %) et à La Réunion (82 %), proches du taux observé dans l’Hexagone (82 %). Aucune différence significative n’était observée entre les 5 territoires concernant le recours aux agonistes du récepteur du glucagon-like-peptide-1 (aGLP1) qui variait de 10 % en Guadeloupe à 15 % en Guyane.
Un médecin généraliste avait été consulté au moins une fois au cours des 12 derniers mois par plus de 90 % des personnes DT2 aux Antilles (91 % en Guadeloupe et 93 % en Martinique), proches du taux estimé dans l’Hexagone (93 %). Ce taux était de 86 % à La Réunion et 70 % en Guyane. Concernant le recours annuel à un endocrinologue en libéral, en consultation externe ou en hospitalisation de jour, il variait peu selon les DROM (entre 15 % à La Réunion et 19 % en Martinique), tandis qu’il était un peu plus élevé dans l’Hexagone (22 %).
Contrôle des facteurs de risque
L’indice de masse corporelle moyen était moins élevé parmi les personnes DT2 à La Réunion (27,7 kg/m2), en Guyane et Guadeloupe (28,4 kg/m2) qu’en Martinique (29,3 kg/m2) et dans l’Hexagone (29,5 kg/m2). Un tabagisme actuel (quotidien ou occasionnel) était le plus fréquemment rapporté à La Réunion (14 %), proche de celui observé dans l’Hexagone (13 %). Ce taux était moindre en Guadeloupe (8,5 %), en Martinique (5 %) et en Guyane (3 %). Globalement, la consommation d’alcool était moindre dans les 4 DROM que dans l’Hexagone. Ainsi, comme en population générale, la situation au regard de la consommation d’alcool et de tabac, à l’exception de la Réunion, est plus favorable dans les DROM que dans l’Hexagone(4,5). Les remboursements de traitements antihypertenseurs étaient élevés (> 75 %) et ne variaient pas de façon significative entre les territoires. Les valeurs moyennes de pression artérielle ne différaient pas significativement entre les territoires ultramarins, mais étaient significativement plus élevées que dans l’Hexagone (figure 2). Les remboursements de traitements hypolipémiants variaient selon les territoires (de 42 % en Guyane à 54 % en Guadeloupe et 64 % dans l’Hexagone). Enfin, concernant l’équilibre glycémique, le niveau moyen d’HbA1c était plus faible aux Antilles (7,4 % en Guadeloupe et 7,5 % en Martinique), par rapport à La Réunion (7,7 %) et la Guyane (8,0 %), sans que la différence entre les territoires ultramarins ne soit significative. Cependant, une différence significative selon les territoires était observée après l’ajout de l’Hexagone où la valeur moyenne d’HbA1c était plus faible (7,2 %).
Figure 2. Facteurs de risque et complications chroniques auto-déclarées parmi les adultes atteints d’un diabète de type 2 en outre-mer. Étude Entred 3, 2019.
Complications chroniques du diabète
(figure 2)
Les taux de complications chroniques du diabète, à l’exception des complications podologiques et rénales, variaient de façon significative entre les DROM et avec l’Hexagone. Ils étaient plus fréquents à La Réunion. Concernant les complications coronariennes auto-déclarées ou les antécédents d’hospitalisations pour infarctus du myocarde, les taux étaient proches entre La Réunion et l’Hexagone et moindres dans les trois autres territoires ultramarins. Pour les hospitalisations pour accident vasculaire cérébral (AVC), même si la prévalence restait supérieure à La Réunion, la différence entre les territoires ultramarins dans leur ensemble n’était pas statistiquement significative. En revanche, la prévalence des AVC était significativement plus faible dans l’Hexagone. Les complications ophtalmologiques variaient également significativement entre les territoires avec globalement des fréquences plus faibles dans l’Hexagone et en Guyane pour certains indicateurs de complications (perte de la vue d’un œil, traitement au laser).
Discussion
L’édition 2021 du Baromètre de Santé publique France DROM et la 3e édition d’Entred, deux études d’envergure menées dans 4 DROM (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion) ont permis de mieux décrire les spécificités des territoires ultramarins en termes d’épidémiologie du diabète.
La prévalence du diabète connu est deux fois plus élevée dans ces 4 DROM par rapport à l’Hexagone, et le diabète connu y est plus fréquemment traité pharmacologiquement. En outre, la proportion élevée de personnes en outre-mer ne se déclarant pas atteintes d’un diabète, mais d’un « petit diabète » suggère que le diabète y est sous-déclaré.
Des spécificités démographiques et socio-économiques des résidents ultramarins atteints d’un DT2 sont observées avec une prédominance féminine, et une population plus jeune et davantage défavorisée socio-économiquement en Guyane et à La Réunion. Certaines complications chroniques du diabète (coronariennes, AVC) sont plus fréquentes à La Réunion. La prévalence de la rétinopathie auto-déclarée y est également plus élevée ainsi qu’en Martinique. En revanche, nous n’avons pas observé de différences significatives entre les territoires concernant les complications podologiques, contrairement aux résultats observés à partir des données du SNDS(1,2). La glycémie (mesurée par l’HbA1c) est moins bien contrôlée dans les DROM que dans l’Hexagone, en particulier en Guyane et à La Réunion. Les autres facteurs de risque sont proches de la situation observée dans l’Hexagone. La consommation d’alcool et le tabagisme, à l’exception de La Réunion, y sont même moins fréquents, comme dans la population générale.
La prise en charge des personnes DT2 dans les DROM passe principalement par les médecins généralistes. Le recours aux endocrinologues reste rare, tandis que le recours au cardiologue est plus répandu, surtout à La Réunion. Le recours à l’insulinothérapie est plus fréquent que dans l’Hexagone quel que soit le territoire ultramarin considéré.
CONCLUSION
• Ces deux études permettent de dresser un état des lieux du DT2 dans quatre DROM, de mettre en évidence des populations aux profils démographiques, socio-économiques et métaboliques très spécifiques.
• Cet état des lieux rapporte une prévalence élevée de cas de diabète connu. Il confirme également la fréquence élevée des facteurs de risque et des complications du diabète principalement à La Réunion et en Guyane. Replacés dans leur contexte culturel, social, et sanitaire, ces résultats permettront d’aider les décideurs à adapter les politiques publiques en matière de prévention, d’accompagnement et de prise en charge des personnes atteintes d’un diabète de type 2 en outre-mer afin d’en réduire le fardeau.
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