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Œsophagite à éosinophiles

Publié le 09 nov 2023Lecture 6 min

Mise au point sur l'œsophagite à éosinophiles

Sophie MORET, Courbevoie

Première cause de dysphagie du sujet jeune, l’œsophagite à éosinophiles est une maladie dont la prévalence est en nette augmentation depuis sa description en 1993(1-3). Le délai moyen entre les premiers symptômes et le diagnostic est de quatre à six ans mais peut aller de façon non exceptionnelle jusqu’à plus de dix ans(1). Pour réduire l’errance diagnostique, améliorer la prise en charge et endiguer les complications, une meilleure reconnaissance de cette pathologie est indispensable(1).

L’œsophagite à éosinophiles (OeE) est une maladie inflammatoire, chronique, sévère et évolutive(1-4). Elle se caractérise par une dysfonction de l’œsophage et l’infiltration des polynucléaires éosinophiles dans la muqueuse œsophagienne(1-7). Elle entraîne une réponse immune de type T helper 2 dont l’activation peut être déclenchée par des allergènes alimentaires(1). Elle touche les adultes de 30-40 ans, plus fréquemment les hommes, avec une prévalence de l’ordre de 50 cas pour 100 000(1). Elle est aussi retrouvée chez les enfants avec une prévalence estimée entre 22 et 49 cas 100 000(2). Population prédisposée et facteurs favorisants L’OeE est en lien avec une prédisposition génétique et une réponse immune anormale à certains allergènes alimentaires, le plus souvent le blé et les protéines de lait de vache(1,7). Deux facteurs favorisants ont été identifiés : le reflux gastro-œsophagien (RGO) par l’altération de l’intégrité de la muqueuse qui augmente la perméabilité de la barrière épithéliale et donc le passage des allergènes, et la dysbiose œsophagienne(1). Les antécédents de rhinites allergiques, d’asthme et d’atopie sont retrouvés chez 40 à 75 % des patients avec EoE, cependant, il n’a pas été prouvé que l’atopie prédispose à son développement(1,4). Symptomatologie Chez l’adulte, la dysphagie (sensation de gêne ou d’obstacle à la progression des aliments au moment même de la déglutition) est le principal symptôme, présent dans 80 % des cas(1-5). Essentiellement aux solides, elle est de gravité variable, souvent modérée, sans retentissement sur l’état général (sans perte de poids)(5). Les autres signes évocateurs sont les impactions alimentaires (30 % des patients), les douleurs thoraciques lors de l’alimentation, le pyrosis dans 30 % des cas(8). Chez le jeune enfant, les symptômes évoquent plutôt le RGO : régurgitations, vomissements, douleurs abdominales, refus de s’alimenter et retard de croissance(2,6). Chez les plus de 10 ans et chez l’adolescent, la présentation clinique est la même que celle rencontrée chez l’adulte(1). En l’absence de prise en charge, la persistance du processus inflammatoire va entraîner un remodelage fibreux de l’œsophage aboutissant au développement d’anneaux, de lésions sténosantes plus ou moins importantes ou à la réduction du calibre de l’œsophage(6). La perforation œsophagienne peut être une complication grave d’impaction alimentaire, quoiqu’heureusement rare (moins de 1 % des cas)(1,5). Diagnostic Devant toute dysphagie, une endoscopie œso-gastro-duodénale doit être réalisée(5). C’est l’examen incontournable pour poser le diagnostic d’OeE. Le patient doit donc être orienté vers un gastro-entérologue. Plusieurs aspects typiques pouvant être retrouvés(1,5) : des anneaux circulaires donnant un aspect pseudo-trachéal à l’œsophage ; des stries longitudinales ; des exsudats sous forme de dépôts blanchâtres ressemblant à une candidose (aspect « piqueté »), correspondant sur le plan histologique à des micro-abcès ; un œdème muqueux caractérisé par une perte de la trame vasculaire et un érythème. Cependant dans 10 à 30 % des cas, les endoscopies sont macroscopiquement normales(1,5). C’est pourquoi la réalisation de biopsies œsophagiennes est fondamentale(1,5). L’atteinte œsophagienne étant hétérogène, il est recommandé de réaliser au moins six biopsies œsophagiennes, sur des sites différents de l’œsophage (distal et proximal), avec une combinaison si possible de prélèvements provenant de zones avec et sans anomalies(1,3-5). Le diagnostic est confirmé si le nombre de polynucléaires éosinophiles dans la muqueuse œsophagienne est ≥ 15 par champ de grossissement, soit 60/mm2 sur au moins une biopsie(1-8). La recherche systématique d’un RGO n’est pas nécessaire pour retenir le diagnostic d’OeE(5). La réalisation d’un bilan allergologique, d’explorations fonctionnelles œsophagiennes ou la mesure de la distensibilité de l’œsophage n’ont pas d’intérêt diagnostique(1). Diagnostic différentiel D’autres affections peuvent provoquer une éosinophilie œsophagienne, telles qu’une maladie gastro-intestinale à éosinophiles, un syndrome hyperéosinophilique (hyperéosinophilie sanguine avec douleurs abdominales, diarrhée et/ou ascite), une achalasie, une maladie de Crohn, la maladie cœliaque, des infections parasitaires, une réaction d’hypersensibilité à un médicament(3,4). Prise en charge Elle est orientée par l’évaluation symptomatique, endoscopique et histologique du gastro-entérologue(5). L’objectif thérapeutique est d’obtenir une rémission(2,3,7) : clinique avec un soulagement de la dysphagie ; histologique profonde avec moins de 6 éosinophiles par champ. La prise en charge de l’OeE est détaillée dans les recommandations européennes et anglaises. Ces recommandations préconisent en première intention la prescription d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), de corticoïdes en topique et/ou d’un régime d’éviction(1,2,6,7). Nous reprenons ci-après une synthèse de ces recommandations (figure). Les inhibiteurs de la pompe à protons Leur mode d’action est probablement multifactoriel, par la réduction du RGO, une diminution de la perméabilité épithéliale et un effet anti-inflammatoire(1). D’après le consensus européen de 2017, un traitement d’attaque par oméprazole 20 à 40 mg deux fois par jour ou équivalent est recommandé pour une durée de 8 à 12 semaines(1,4). Ce traitement permet une rémission clinique dans 60 % des cas et une rémission histologique dans 50 %(1). Compte tenu de la récidive des symptômes 3 à 6 mois après l’arrêt, un traitement d’entretien à la dose minimale est conseillé(1,4). La rémission est maintenue à long terme chez 70 à 80 % des patients(1). En France, les IPP n’ont pas l’AMM pour cette indication, toutefois l’Avis de la commission de transparence délivré par la Haute Autorité de santé (HAS) du budésonide orodispersible indique clairement que ce traitement doit être utilisé dans l’OeE après échec des IPP(1) utilisés hors AMM. La corticothérapie locale(1) Le fluticasone et le budésonide sont les molécules le plus souvent utilisées sous forme de solution visqueuse en préparation magistrale, de tablettes, de spray dégluti, à des posologies et durées de traitement d’induction variables. Ces médicaments sont efficaces pour induire une rémission clinique et histologique. En France, la seule molécule ayant l'AMM pour le traitement de l'OeE et bénéficiant d'une prise en charge par l'Assurance Maladie dans cette indication est le budésonide en comprimé orodispersible (après échec des IPP). Le traitement d’induction recommandé est 1 mg matin et soir après les repas pendant 6 à 12 semaines ; celui d’entretien à 0,5 à 1 mg deux fois par jour selon l’ancienneté ou le caractère très enflammée de la maladie, sans durée notifiée. Les régimes d’éviction(1) Six groupes d’aliments sont éliminés de l’alimentation pendant 6 semaines : lait, soja, œufs, blé, fruits à coque, poissons et fruits de mer. Ceux-ci sont ensuite réintroduits deux par deux avec endoscopie et biopsies à chaque étape de la réintroduction afin d’identifier les aliments en cause. Ces régimes ont montré leur efficacité avec une rémission symptomatologique et histologique de l’ordre de 80 %. Afin d’augmenter l’acceptabilité de ce régime et de son suivi, une version simplifiée avec l’élimination de quatre groupes d’aliments est proposée avec un taux de réponse de l’ordre de 50 à 60 %. La réponse à ce régime ne peut être estimée par de tests allergologiques. Cette modalité thérapeutique est réservée aux patients motivés. Afin d’évaluer l’efficacité du traitement sur des éléments objectifs, et non seulement sur les symptômes rapportés par les patients, il est actuellement recommandé de réaliser une endoscopie avec des biopsies œsophagiennes après tout changement thérapeutique(6). En cas d’échec, suite à l’essai des trois traitements de première intention, le patient doit être orienté vers un centre expert(1). Figure. Algorithme de prise en charge thérapeutique d’un patient avec OeE(1). Compte tenu de son caractère inflammatoire, chronique, sévère et évolutif, l’œsophagite à éosinophiles semble être encore une pathologie mal connue. Pour réduire le délai conduisant au diagnostic, le patient doit être orienté vers le gastro-entérologue seul spécialiste pouvant poser le diagnostic avec l'objectivation de la présence des éosinophiles grâce aux biopsies. Les patients doivent être informés qu’il est important qu’ils soient suivis sur le long terme : les symptômes cliniques n’étant pas superposables à la réponse histologique, il est essentiel que le gastro-entérologue puisse suivre le patient et l’examiner régulièrement tant sur le plan clinique que histologique. S. MORET   ENV|PR096|1123

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