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Gynécologie

Publié le 26 nov 2024Lecture 8 min

Contraception chez les femmes vivant avec un diabète

Véronique KERLAN, service d’endocrinologie, Hôpital de la Cavale Blanche, CHU de Brest

La contraception doit-être une préoccupation des médecins prenant en charge les patientes vivant avec un diabète. Il existe des méthodes efficaces accessibles à condition de respecter les recommandations.

Nécessité de contraception chez les femmes vivant avec un diabète   Il existe de plus en plus de femmes diabétiques en âge de procréer. En France, il y a 15 ans, les femmes concernées étaient aux deux tiers des femmes diabétiques de type 1 ; maintenant, il s’agit aux deux tiers de patientes diabétiques de type 2. La programmation des grossesses avec une prise en charge préconceptionnelle a montré son efficacité sur le risque de malformations fœtales, diminué de 75 % dans une méta-analyse récente versus des grossesses non programmées, associée à une diminution de la mortalité périnatale de 66 %. La programmation nécessite forcément une contraception efficace avant et entre les grossesses. Des études ont montré que la contraception est insuffisamment évoquée en consultation avec les patientes diabétiques et que de nombreuses femmes n’ont aucune contraception efficace alors qu’elles ont une vie sexuelle et ne souhaitent pas d’enfant. Dans une étude américaine publiée en 2017 portant sur 146 000 patientes diabétiques de 14 à 44 ans, 28 % des femmes seulement avaient une contraception efficace. Dans une étude brésilienne publiée en 2023 sur 313 femmes suivies en hôpital universitaire, 75 % des femmes avaient une contraception efficace mais la méthode était non conforme aux recommandations dans un tiers des cas.   Évolution de la contraception de la population générale   En France, 92 % des femmes de 15 à 49 ans qui ne désirent pas de grossesse utilisent un moyen de contraception. La pilule contraceptive est la plus utilisée en France. L’utilisation de la contraception s’est un peu modifiée sur les dernières années. Le nombre de patientes ayant recours à un dispositif intra-utérin au cuivre a augmenté progressivement, surtout depuis 2012, d’environ 80 %. Il a été prouvé qu’il peut être utilisé chez les femmes nullipares. Son inconvénient est une augmentation de l’abondance des règles. Parmi les femmes utilisant une contraception hormonale orale, dont la prescription totale a baissé de 16 %, la part de celles utilisant des estroprogestatifs a diminué de 35 % en 10 ans alors que la contraception progestative pure a été multipliée par 2. Depuis la crise médiatique de 2012, la part de marché des pilules estroprogestatives dites de seconde génération, qui sont recommandées en première intention par la HAS, est passée de 50 % à 87 % en 2021. Il a en effet été démontré dans les études que le risque thromboembolique veineux dépend du progestatif contenu dans un estroprogestatif avec un sur-risque plus important avec des progestatifs dits de troisième génération. Il existe également un effet « starter », c’est-à-dire un risque plus important dans les premiers mois de la prescription, même si le surrisque ne disparaît jamais. Les progestatifs seuls n’augmentent pas le risque thrombo-embolique, en dehors de l’utilisation de médroxyprogestérone acétate (DMPA) injectable. De nouvelles pilules estroprogestatives sont apparues récemment : l’une associant valérate d’estradiol et diénogest (Qlaira®) et une autre associant estradiol et acétate de nomégestrol (Zoely®) ; il n’a pas été mis en évidence de risque inférieur (ni supérieur) comparativement aux estroprogestatifs classiques de 2e génération sur le plan thrombo-embolique et les contreindications restent les mêmes. Dernièrement est apparue une pilule associant drospérinone et estétrol (Drovelis®), un estrogène ayant une faible affinité pour le récepteur aux estrogènes. Les études ont montré une bonne efficacité contraceptive et un impact moindre sur des marqueurs biologiques liés à l’augmentation du risque thrombo-embolique, comme la SHBG. Pour l’instant, cette pilule garde les mêmes contreindications vasculaires en l’absence d’étude à grande échelle. Une nouvelle contraception microprogestative à base de drospérinone (Slinda®) semble se distinguer dans les études par une meilleure tolérance à l’oubli et une meilleure tolérance endométriale, donc moins de spotting. L’utilisation d’une contraception non quotidienne est de plus en plus fréquente. Les « short acting » contraceptions qui associent progestatifs et estrogènes sous forme, soit d’un anneau vaginal, soit de patchs, n’ont pas rencontré un grand succès ; sous réserve d’une bonne observance leur efficacité est équivalente à celle d’une contraception estroprogestative par voie orale, de même que le risque thrombo-embolique et les contre-indications. En revanche, les « long acting » basées uniquement sur des progestatifs, sous forme d’un dispositif intrautérin au lévonorgestrel qui peut être posé pour 3, 5, ou 7 ans, ou d’un implant sous-cutané posé pour 3 ans, sont de plus en plus prescrites. Ce sont des méthodes tout à fait efficaces qui ne nécessitent pas d’intervention de la femme, sont réversibles, ne présentent pas de risque thrombo-embolique, sans contreindication vasculaire. Les inconvénients potentiels sont la pose et la dépose et parfois des irrégularités dans les saignements. De nouvelles contraceptions hormonales sont à l’étude. Les objectifs sont de diminuer les risques vasculaires en ayant une bonne efficacité, une bonne tolérance et en permettant une observance facile : dispositifs sous forme d’anneaux, éventuellement annuels, de gel, utilisation d’autres molécules, associant éventuellement des antiviraux pour diminuer le risque de maladie sexuellement transmissible. Le risque lié au tabac sous contraception estroprogestative est artériel. Il existe un effet synergique entre le tabac et les estroprogestatifs vis-à-vis du risque d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral comme l’association aux migraines et à l’âge.   Cas particulier de la patiente vivant avec un diabète   Un certain nombre de questions et de problèmes spécifiques se posent en termes d’effets secondaires potentiels de la contraception chez la patiente diabétique. Les études ont bien montré l’absence de risque infectieux lié au stérilet chez la patiente diabétique. Les estroprogestatifs et les progestatifs, quelle que soit la voie d’administration (per os, implant, DIU), n’ont pas d’impact sur la glycémie, en dehors du DMPA qui a un effet délétère. Assez peu d’études ont porté sur le risque d’évolution des complications microvasculaires chez les patientes sous contraception hormonale mais, même si elles n’ont montré aucune différence sur l’apparition de rétinopathie ou néphropathie sous estroprogestatifs, le faible niveau de preuve a incité les sociétés savantes à recommander de n’utiliser les contraceptions estroprogestatives qu’en l’absence d’atteinte microvasculaire préexistante. La question la plus préoccupante concerne le risque vasculaire. L’association estroprogestative augmente le risque veineux thrombo-embolique en population générale par un facteur de 2 à 3 dans les différentes études. Cette augmentation du risque existe quelle que soit la voie d’administration (per os, patch, anneau vaginal), quelle que soit la dose d’estrogène, quel que soit le progestatif, mais moindre avec les progestatifs dits de 2e génération. Ce risque est majoré après 40 ans, en cas d’antécédent familial ou de thrombophilie héréditaire ou acquise, et lorsqu’il existe des facteurs de risque (obésité, immobilisation, voyage). Le diabète n’est pas un facteur de risque de maladie thrombo-embolique à lui seul mais l’obésité, souvent associée au diabète de type 2, en est un. Sous progestatifs, quelle que soit la voie d’administration, il n’a pas été mis en évidence d’augmentation du risque thromboembolique en dehors du DMPA injectable. Peu d’études ont porté sur la population diabétique. La plus importante, l’étude américaine d’O’Brien portant sur 146 000 femmes diabétiques rapporte une augmentation par 2 ou 3 du risque d’événements thrombo-emboliques, identique à celle décrite dans la population non diabétique, y compris sous estroprogestatifs par voie vaginale, et avec les progestatifs injectables. Certaines pathologies (hypertension artérielle, dyslipidémie, obésité) sont souvent associées au diabète de type 2. Elles contre-indiquent la prise d’un estroprogestatif mais les progestatifs (per os, implant, DIU) sont autorisés. L’efficacité contraceptive de l’implant n’est pas modifiée par l’IMC. En revanche, concernant le patch estroprogestatif, il est admis que l’efficacité puisse être diminuée au-delà de 90 kg.   Recommandations des sociétés savantes   Les recommandations de l’OMS et des sociétés savantes — ADA (American Diabetes Association), SFE (Société française d’endocrinologie), CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français) — sont concordantes. Chez les patientes avec un diabète de type 1, qu’elles soient nullipares ou multipares, il est essentiel de rechercher des facteurs de risque (dyslipidémie, HTA, tabac, durée du diabète > 20 ans), une complication du diabète (néphropathie, rétinopathie proliférante ou œdémateuse ou ischémique, atteinte cardiovasculaire, neuropathie). En l’absence de facteurs de risque et de complications, un estroprogestatif est tout à fait possible. Dès qu’apparaît un facteur de risque ou une complication, il faut privilégier un dispositif intra-utérin ou une contraception progestative (figure 1). Figure 1. Contraception hormonale en cas de diabète de type 1, SFE/CNGOF.   Chez la patiente avec un diabète de type 2, il faut privilégier en première intention les progestatifs (microprogestatifs oraux, dispositif intra-utérin au progestatif ou implant). Ce n’est qu’en cas d’absence totale de facteur de risque cardiovasculaire associé, si l’IMC est < 30 kg/m2, et en l’absence de complication qu’il est possible de prescrire un estroprogestatif (figure 2). Figure 2. Contraception hormonale en cas de diabète de type 2, SFE/CNGOF.   Les femmes ayant subi une chirurgie bariatrique ou prévoyant de le faire doivent avoir une contraception efficace. Il y a possibilité de récupération d’une fertilité parfois rapide après la chirurgie. La con traception efficace doit débuter en préopératoire et être utilisable durant la phase périopératoire, d’où la contre-indication des estroprogestatifs du fait du risque thrombo-embolique périopératoire. Il faut privilégier les implants ou les dispositifs intrautérins pour limiter les risques liés à l’absorption. La dyslipidémie est un sujet un peu controversé. Il est fréquent que le cholestérol augmente légèrement sous estroprogestatifs. La SFE préconise de ne pas prescrire d’estroprogestatif chez une patiente ayant un LDL-cholestérol > 1,90 g/L, associé au diabète. Elle préconise également d’arrêter si les triglycérides sont > 2 g/L.   Contraception d’urgence   Il est important de ne pas oublier la contraception d’urgence qui existe sous 3 formes : soit 1,5 mg de lévonorgestrel en un seul comprimé qui doit être pris le plus tôt possible dans les 72 heures après le rapport à risque mais dont l’efficacité est moindre chez les patientes obèses. Chez ces dernières, il est nécessaire d’utiliser l’acétate d’ulipristal sous la forme d’un comprimé à 30 mg, jusqu’à 5 jours après le rapport à risque. Il est également possible et considéré comme une contraception d’urgence de mettre un dispositif intra-utérin dans les 72 heures. Il n’y a aucune contre-indication à la contraception d’urgence, quelle qu’elle soit chez la femme diabétique. La contraception d’urgence est gratuite et obtenue sans ordonnance en pharmacie pour les mineures sans la carte vitale. Ce sont des informations importantes à faire passer. Par ailleurs, la contraception hormonale a été rendue gratuite pour les femmes de moins de 26 ans par la loi de financement de la Sécurité sociale en 2022.   CONCLUSION   La contraception doit être abordée en consultation diabétologique, déjà bien remplie. Des recommandations permettent au médecin de proposer à la femme, au couple, les méthodes parmi lesquelles elle choisira celle qui lui convient le mieux. Une réévaluation régulière en fonction de l’âge, des données médicales et des projets de grossesse est nécessaire. L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en rapport avec cet article.

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