Publié le 10 déc 2024Lecture 4 min
Petite taille : quels diagnostics ?
Cyril AMOUROUX, Montpellier*
Le suivi de la croissance est propre à l’enfant. Ce suivi doit faire partie de toute consultation pédiatrique quelle que soit son orientation (pédiatrie générale, sous-spécialiste d’organe, etc.), afin d’assurer le repérage d’une anomalie de la croissance.
Quand explorer une « petite taille » ?
Les indications d’explorations d’un retard statural sont assez consensuelles et sont résumées dans le Tableau 1.
Rappels de physiologie
Le seul organe de la croissance est la physe, tissu cartilagineux entre la métaphyse et l’épiphyse des os longs, et sa cellule élémentaire : le chondrocyte (figure).
Figure. Schématisation de la physe et du rôle de carrefour du chondrocyte.
Le chondrocyte est le carrefour de l’interaction des signaux de croissance :
– les hormones générales (ex. : GH) ou locales (ex.: CNP) ;
– la matrice extracellulaire et les facteurs qui la régule : apports nutritionnels, équilibres hydro-ioniques et acidobasiques ;
– les gènes régulant les voies de signalisations intracellulaires (ex. : SHOX, PTPN11) ou codant pour les protéines de la matrice extracellulaire (ex. : ACAN).
Ainsi, toutes les maladies de la croissance sont des maladies du chondrocyte.
Quels diagnostics, quelles explorations ?
Pathologies générales
De très nombreuses pathologies chroniques peuvent retentir sur la croissance. L’interrogatoire et l’examen clinique s’efforceront à les rechercher.
On citera :
– les tubulopathies qui perturbent l’état d’hydratation des tissus et l’équilibre acidobasique ;
– l’insuffisance rénale chronique qui entraîne l’accumulation de toxines ;
– les malabsorptions digestives dont la maladie cœliaque est la principale étiologie. Celle-ci s’associe à un retard de croissance dans près de 25 % des cas au diagnostic. Les recommandations de l’ESPGHAN pour le diagnostic sont claires : l’association d’anticorps antitrans-glutaminases > 10 fois la normale et d’anticorps anti-endomysium suffit et évite la réalisation de biopsies duodénales ;
– les anémies et les pathologies respiratoires chroniques entraînant une hypoxie tissulaire ;
– les pathologies inflammatoires chroniques qui perturbent la prolifération des chondrocytes.
Pathologies hormonales
L’hypothyroïdie de Hashimoto (anticorps anti-TPO) peut être paucisymptomatique chez l’enfant et l’adolescence. L’axe thyréotrope doit donc être systématiquement exploré même en l’absence d’autre signe clinique. Chez l’enfant, la TSH ne doit pas être prescrite seule, l’analyse de la T4L est indispensable.
Le déficit en hormone de croissance (GHD) est la principale cause hormonale de petite taille. Le dosage de l’hormone de croissance (GH) ne doit jamais être réalisé sur un bilan statique car sa sécrétion est pulsatile. Le GH est dosée lors d’explorations fonctionnelles (test de stimulation) en 2e intention, devant des taux bas d’IGF1. Les causes de GHD sont multiples : génétique/malformative, tumorale, séquellaire, etc.
Les rachitismes (calcium ou phosphate dépendants) peuvent se révéler par un ralentissement de la vitesse de croissance avant que les déformations osseuses apparaissent.
Pathologies génétiques
En cas d’antécédents chez les parents de petite taille ou devant des disproportions à l’examen physique, une maladie osseuse doit être évoquée. Dans ce cas, des radiographies du squelette (membres supérieur et inférieur, bassin, rachis de face et du profil) doivent être réalisées.
De nombreuses pathologies génétiques osseuses sont identifiées dans les retards staturaux. Une grande série française a montré une proportion non négligeable de dyschondrostéose de Léri-Weill dans les retards staturaux. Bien que l’analyse moléculaire du gène SHOX ne soit pas recommandée en pratique courante en 1re intention, ce diagnostic doit être évoqué au moindre doute. L’analyse du gène SHOX doit associer séquençage et MLPA (Multiplex Ligation-dependent Probe Amplification) afin de chercher des variants pathogènes ponctuels ou des délétions ± larges. Le développement des analyses de panel de gènes (NGS) facilite l’enquête diagnostique devant un retard statural semblant idiopathique après explorations de 1re intention. Cependant, il n’existe pas à l’heure actuelle en France de NGS « standard/uniformisé » permettant le diagnostic de l’ensemble des causes génétiques pouvant être source de retard de croissance.
Chez la fille, la recherche du syndrome de Turner est indispensable. La petite taille est liée à l’haplo-insuffisance du gène SHOX. Son diagnostic précoce est fondamental pour une prise en charge personnalisée du spectre phénotypique possible (malformation cardiaque, pathologie de la voie aortique, insuffisance ovarienne, etc.).
D’autres pathologies syndromiques comme les pathologies de la voie RAS/MAPK peuvent aussi se révéler par un retard de croissance : syndrome de Noonan, neurofibromatose, etc.
* Unité de néphrologie et endocrinologie, Service de pédiatrie multidisciplinaire, CHU de Montpellier ; Département de pédagogie, faculté de médecine, Université de Montpellier ; Centres maladies rares métabolisme du calcium et du phosphate et maladies osseuses constitutionnelles, Filière de santé Maladies Rares OSCAR
Pour en savoir plus :
• Savage MO et al. Horm Res Paediatr 2016.
• Willems M et al. Arch Pediatr 2021.
• Husby S et al. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2020.
• Argente J et al. EMBO 2017.
• Flechtner I et al. Eur J Endocrinol 2014.
• Plachy L et al. J Clin Endocrinol Metab 2019.
• Zenker M et al. Arch Dis Child 2022.
• Pas-à-pas de la SFP : https://pap-pediatrie.fr/endocrinologie/enfant-trop-petit.
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