ORL
Publié le 22 jan 2025Lecture 5 min
Complications des infections ORL de l’enfant : l’évolution des prises en charge
Denise CARO, d’après les communications de Éric MOREDDU (Marseille) et Fabien BLANC (Montpellier)
Toute infection ORL de l’enfant est susceptible de se compliquer. L’infection virale, volontiers saisonnière, fait le lit de la surinfection bactérienne en raison de l’inflammation muqueuse et de l’augmentation des sécrétions qu’elle suscite. Et l’infection bactérienne peut être la porte d’entrée d’une complication : lymphadénite, abcès péri-amygdalien ou profond, mastoïdite ou même complications ophtalmologiques. À noter qu’après le confinement et les mesures barrières, mis en place durant la pandémie de Covid-19, les enfants ont fait davantage d’infections et de complications infectieuses(1).
On n’identifie pas toujours la porte d’entrée pharyngée d’une lymphadénite aiguë, d’un abcès péri-amygdalien ou d’un abcès profond para- ou rétropharyngé. Il faudra néanmoins rechercher la notion de l’existence d’une rhinopharyngite ou d’une angine les jours précédents.
Une lymphadénite non suppurée correspond à un ganglion de plus de 1 cm. Il faut faire un test de diagnostic rapide (TDR) à la recherche d’un streptocoque A ; s’il est positif, on peut se contenter de prescrire de l’amoxicilline seule (ou en cas de contre-indication [CI] de la clarithromycine) ; s’il est négatif en présence de S. pyogenes, le traitement sera le même ; face à un staphylocoque doré, on choisira l’association amoxicilline-acide clavulanique (ou en cas de CI, la clindamycine). Devant une lymphadénite suppurée, le TDR n’a pas d’utilité, le responsable étant généralement le staphylocoque doré. Comme précédemment, le traitement repose sur l’association amoxicilline-acide clavulanique (ou en cas de CI, la clindamycine). L’imagerie n’est pas nécessaire, même si l’infection est collectée. On fera une échographie en cas de doute ou d’évolution défavorable. En 3e intention et si on a un doute sur une extension cervicale, un scanner ou une IRM seront réalisés.
Face à un abcès, la chirurgie seulement en 2e intention
Le diagnostic d’un abcès périamygdalien est clinique, l’imagerie n’est pas systématique. L’échographie peut être utile quand on n’arrive pas à examiner correctement l’enfant.
On débute le traitement par l’association amoxicilline-acide clavulanique IV à la dose de 150 mg/kg/j en 3 ou 4 doses, puis on passe à la forme orale (80 mg/kg/j en 3 doses) pendant 10 à 14 jours. En cas de contreindication à l’amoxicilline, on prescrira une céphalosporine de 3e génération. Les corticostéroïdes n’ont pas fait la preuve de leur intérêt dans cette indication. Ils sont même contre-indiqués en cas de poly-adénomégalies ou d’hépatosplénomégalie.
Une fièvre associée à un torticolis doit faire évoquer un abcès profond rétropharyngé (la tuméfaction apparaît secondairement). Il faut faire un scanner. Cela concerne majoritairement le petit enfant. Les gros abcès (> 32 mm) répondent moins bien aux antibiotiques ; et en cas d’efficacité insuffisante après 48 heures, on oriente vers la chirurgie. Comme précédemment, le traitement antibiotique (amoxicilline-acide clavulanique) est débuté en IV puis le relais est pris par voie orale pendant 2 semaines. Une étude a montré que l’association céfotaxime-rifampicine réduit le recours à la chirurgie quelles que soient les dimensions de l’abcès(2). De même, la corticothérapie associée à l’antibiotique limite le risque de passage vers la chirurgie(3).
En cas d’adénite suppurée, une aspiration à l’aiguille a une bonne efficacité. Elle peut être répétée si besoin. Si cela ne suffit pas, on peut être amené à faire une incision drainage au bloc chirurgical. En cas d’abcès péri-amygdalien chez les jeunes enfants, la ponction et l’incision drainage sont difficiles à réaliser et peu fréquentes, les antibiotiques à fortes doses donnant de bons résultats. Quoi qu’il en soit, il faut toujours ponctionner avant de drainer afin d’être certain de ne pas toucher la carotide interne.
Les abcès para- et rétropharyngés sont drainés avec un abord oral en cas d’échec de l’antibiothérapie.
Lors d'une OMA, gare à la mastoïdite
Les complications de otites moyennes aiguës (OMA) sont diverses, mais la principale reste la mastoïdite aiguë. Son diagnostic est clinique avec une tuméfaction rétro-auriculaire associée à un syndrome septique avec un aspect otoscopique d’OMA ; on peut aussi avoir un bombement purulent du conduit auditif postérieur. Le diagnostic clinique doit être complété par un angioscanner cérébral et/ou une angio-IRM, à la recherche de diverses complications associées : empyème, abcès intracrânien, thrombose du sinus sigmoïde, périostite apicale, cellulite cervicale, arthrite de l’articulation temporomandibulaire, lyse osseuse en faveur d’un cholestéatome, déhiscence du canal du nerf facial.
Le traitement d’une mastoïdite repose sur l’antibiothérapie parentérale à large spectre, associée à la levée de la pression intramastoïdienne par une paracentèse ou un drainage mastoïdien, éventuellement la pose d’une voie centrale et une ponction lombaire. Il est important également d’identifier le germe en cause. Il faut rationnaliser la prise en charge en regroupant les gestes nécessitant une anesthésie générale.
La tendance est à la désescalade thérapeutique. Le traitement médical est efficace dans 25 % des cas. La chirurgie sans mastoïdectomie (myringotomie, pose d’aérateurs et un drainage) résout le problème dans 87 % des cas et la mastoïdectomie dans 97 %(4).
Les autres complications de l’OMA sont plus anecdotiques. Elles doivent néanmoins être recherchées à l’imagerie injectée.
Penser aux complications ophtalmologiques
La rhinosinusite ethmoïdale aiguë peut potentiellement être responsable de complications ophtalmologiques ou neurologiques, du fait de la contiguïté de la fine lame papyracée et des lignes de sutures ouvertes. Une étude rétrospective multicentrique sur dix ans (soumise à publication) a cherché à savoir quand il était utile d’opérer et quand le traitement médical suffisait. Parmi les 65 patients avec des complications ophtalmologiques stade 3 à la classification de Chandler (celles dont on ne sait pas s’il faut ou non opérer), 13 ont eu, en première intention, de la chirurgie et 52 un traitement médical. Parmi ces derniers, 18 ont dû avoir une chirurgie en 2e intention et 34 ont été guéris sous antibiothérapie. Une CRP élevée, un abcès de plus de 4 cm, une exophtalmie clinique, des paupières qui se touchent, une ophtalmoplégie, un comblement éthmoïde postérieur, étaient en faveur d’une réintervention. À noter que la compression focale exercée par un abcès court et large semble plus dangereuse que la répartition diffuse des pressions d’un abcès plus long. Il est important d’explorer au scanner l’environnement de l’abcès, notamment l’ethmoïde postérieur et l’atteinte orbitaire(5).
D’une façon générale, la tendance actuelle concernant toutes les complications des infections ORL de l’enfant est de préférer chaque fois que faire se peut l’antibiothérapie à fortes doses par voie veineuse à la chirurgie. Des progrès doivent encore être faits pour parvenir à mieux sélectionner les patients qui relèvent d’une intervention.
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