VACCINATION
Publié le 04 jan 2024Lecture 5 min
Vaccination HPV : quel impact sur les CIN de haut grade ? Données de la CPAM
Antoine ELIÈS, service de gynécologie et de chirurgie gynécologique, CHI de Créteil
Le cancer du col de l’utérus reste un défi de santé publique majeur en France, avec un pic d’incidence observé vers l’âge de 40 ans. Les traitements des cancers cervicaux et des dysplasies cervicales sont souvent associés à une morbidité significative, tandis que la mortalité reste modérée. En 2006, la France a introduit la vaccination HPV, recommandée dès 2007. Le vaccin nonavalent est actuellement recommandé. La couverture vaccinale en France reste pourtant faible. Les différentes données de la CPAM permettent de suivre l’évolution de la couverture vaccinale et l’effet sur les dysplasies cervicales de haut grade.
Données d’efficacité dans la littérature
Une étude publiée en 2022(1) a examiné l’impact de la vaccination de rattrapage contre les papillomavirus sur les dysplasies cervicales de haut grade en France. Cette étude a utilisé une base de données : l’échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB), qui effectue un enregistrement prospectif et un suivi longitudinal de 1/97e de la population couverte par le régime général de la Sécurité sociale. Les données collectées comprennent des informations démographiques, la consommation de soins et les actes médicaux.
L’étude a porté sur une cohorte de 42 452 femmes nées entre 1983 et 1991, toutes âgées d’au moins 25 ans au moment de l’étude ; cette population est celle concernée par la vaccination et ayant atteint l’âge pour bénéficier du dépistage.
La couverture vaccinale de rattrapage contre l’HPV au 31 décembre 2016 variait en fonction de l’année de naissance des femmes (figure 1). La moyenne nationale était de 9,8 % pour au moins une dose de vaccin, allant de 0 % pour la cohorte née en 1983 à 30,9 % pour la cohorte née en 1991. La couverture pour au moins trois doses de vaccin était de 5,8 %, avec des variations similaires.
Figure 1. Couverture vaccinale en fonction de l’âge, de la cohorte de naissances et selon un schéma à une dose (gauche) ou complet (droite).
L’analyse de la couverture vaccinale par département en France a révélé de fortes disparités, allant de moins de 2 % à plus de 18 %. Une tendance Nord-Sud a été observée, avec une meilleure couverture dans le nord du pays. En ce qui concerne les caractéristiques des populations étudiées, la population non vaccinée était composée de 38 323 femmes, tandis que la population vaccinée comptait 4 129 femmes. L’âge moyen à la fin de l’étude était plus bas dans le groupe vacciné (27,5 ans) que dans le groupe non vacciné (30,3 ans), en raison de l’augmentation de la couverture vaccinale au fil du temps.
Le taux d’affection de longue durée (ALD) était similaire entre les deux groupes, à 5,7 %. Cela indique que la vaccination contre l’HPV n’était pas associée à la prévalence des ALD (dont les maladies auto-immunes).
Les femmes vaccinées avaient tendance à avoir leur premier frottis à un âge plus jeune (21 ans en moyenne) comparativement aux femmes non vaccinées (23,8 ans en moyenne). Cependant, le pourcentage de femmes ayant leur premier frottis après 25 ans était plus élevé dans le groupe non vacciné (13,5 % contre 5,4 % dans le groupe vacciné).
Le taux de conisation à partir de l’âge de 25 ans variait en fonction des cohortes de naissance (figure 2). Les femmes les plus âgées avaient un taux de conisation plus élevé. Le taux de conisation à partir de 25 ans variait de 0,0 % à 2,68 % dans les cohortes de femmes vaccinées et de 0,13 % à 1,84 % dans les cohortes de femmes non vaccinées. Le nombre total de conisations était faible dans le groupe des femmes vaccinées. Pour éviter le biais d’information lié à la survenue d’une conisation avant le suivi de la cohorte par l’Assurance-maladie, seules les cohortes de femmes nées entre 1987 et 1991 ont été incluses dans l’analyse de la survenue de la conisation. Les résultats ont montré que le taux de conisation entre 19 et 30 ans était significativement plus faible dans le groupe vacciné, avec un risque relatif de 0,59. De plus, le taux de conisation à partir de 25 ans était également plus faible, bien que de manière marginale, dans le groupe vacciné, avec un risque relatif de 0,57. À l’âge de 30 ans, 0,18 % des femmes du groupe vacciné avaient subi une conisation, contre 0,68 % dans le groupe non vacciné.
Figure 2. À gauche : conisations entre 19 et 30 ans pour les femmes nées entre 1987 et 1991 le hazard ratio pour la conisation était de 0,59 (IC 95 % [0,39-0,90] ; p = 0,043). À droite : conisations entre 25 et 30 ans pour les femmes nées entre 1987 et 1991. Le hazard ratio pour la conisation était de 0,57 (IC 95 % [0,32-1,01] ; p = 0,0519).
Couverture vaccinale
Les données les plus récentes concernant la couverture vaccinale sont compilées par Santé publique France (SPF)(2). Ces données disponibles publiquement sur le site Internet de SPF sont obtenues à partir de la SNIIRAM qui est un entrepôt de données anonymes regroupant les informations issues des remboursements effectués par l’ensemble des régimes d’assurance maladie. La couverture vaccinale au 31 décembre 2021 montre une augmentation progressive dans le temps avec une couverture autour de 40- 50 % pour les femmes les plus jeunes (nées en 2006) sur un schéma à une dose comme sur le schéma complet (tableau 1). Ces chiffres restent néanmoins extrêmement faibles pour permettre une immunité de groupe.
Cette couverture vaccinale faible est par ailleurs toujours très hétérogène sur le territoire comme l’ont montré Hanguehard et coll. en 2022(3). Les parents de filles âgées de 15 à 18 ans ont été interrogés par téléphone. Dans cette enquête la couverture vaccinale contre les infections à HPV est estimée à 43,6 % en France métropolitaine, 13,8 % en Guadeloupe, 17,2 % en Martinique, 22,6 % en Guyane et 24,0 % sur l’île de La Réunion.
Les données de l’étude basée sur l’EGB étant anciennes, une actualisation serait nécessaire. En l’absence de données nationales ou de la littérature sur les dysplasies cervicales ou sur les cancers, une approximation est le nombre de conisations au niveau national. L’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation publie les données d’actes effectués au niveau national dans les établissements de santé publics et privés ; ces données sont disponibles en ligne(4). Le nombre de conisations est resté stable entre 2013 et 2022 avec une possible légère augmentation sur les dernières années mais qui peut seulement s’expliquer par le rattrapage lié à l’épidémie de Covid (figure 3).
Figure 3. Évolution du nombre de conisations en France de 2013 à 2022.
Évolution du dépistage La vaccination HPV en France n’a donc pas d’effet mesurable sur la population générale en termes du nombre de conisations. Cette absence de diminution du nombre de conisations pourrait s’expliquer par une augmentation du dépistage qui permettrait d’augmenter le diagnostic des dysplasies de haut grade. Santé publique France publie des données de couverture vaccinale triennales. La couverture nationale du dépistage pour l’ensemble des femmes âgées de 25 à 65 ans est de 59 % pour la période 2018-2020, soit en légère augmentation par rapport à la période triennale précédente (58 % en 2017-2019).
Cette variation ne peut à elle seule expliquer la stabilité/augmentation du nombre de conisations.
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